de la cuisine africaine au château
Prendre la route de Torcé depuis Rennes est une invitation champêtre. En lisière du petit village breton, un chemin étroit mène au château des Tesnières, imposant édifice néo-Renaissance posé au bout d’une allée. Depuis le 1er mai 2025, il abrite les créations culinaires de Chantel Dartnall, sacrée meilleure cuisinière du monde en 2017. « Ma cuisine est un tissage entre deux histoires, deux paysages, deux pays, mes deux sources d’inspiration », résume Chantel Dartnall.
Entourée d’une brigade exclusivement féminine et sud-africaine, la cheffe aux lunettes noires a trouvé refuge sous le ciel breton. Elle revient sur la terre de ses ancêtres où, jadis, les Du Plessis partirent vers les contrées des Boers et de Nelson Mandela. Loin de Pretoria, où elle a fait ses gammes, elle compose des assiettes florales et vinicoles, servies chaque midi, chaque soir.
Ici, pas de discours ampoulé et répétitif en salle. Ici, pas de rituel envahissant : les serveuses ne récitent pas la composition des plats. « Nous souhaitons laisser à chacun le soin de découvrir », explique la cheffe. « Si besoin, si demande, nous éclaircissons. Mais nous préférons que nos clients se laissent porter. »
Dans la grande salle à manger, le restaurant ne compte qu’une vingtaine de couverts. Sous les lampes Tiffany et les toiles de maître, chaque mets épouse une vaisselle sculpturale. La carotte trouve son écrin orangé. Les huîtres au caviar d’Aquitaine flottent dans une coquille de verre, ouverte comme une promesse. Enfin, en plat principal, le bar s’offre dans une assiette d’algues et d’écume, avant de céder la place aux folies douces : biltong sud-africain et pommes d’amour au reblochon.
Une cuisine botanique et florale
À chaque étape du repas (le Domaine de la Janasse, en blanc, y veille), Chantel ponctue le moment d’histoires. Elle raconte ses passages chez les plus grands : Alain Passard, Michel Bras, Pierre Gagnaire. Dans un français parfait, elle distille de larges sourires et de croustillantes anecdotes. Difficile de ne pas s’incliner devant tant de talents. Difficile de ne pas s’extasier devant un dessert au chocolat, déposé dans une couronne de pins de Brocéliande et accompagné d’un porto de dix ans d’âge.
À 190 euros le menu, l’expérience n’est pas anodine. Mais elle est totale, immersive. Devenus « grandgousiers » d’un jour, nous nous perdons dans la cave de 25 000 bouteilles de vins et de champagne. Derrière les portes en fer forgé, la sommelière glisse ses doigts sur les étiquettes de trésors du monde entier, arrivés par cargo. Ils attendent de couler sagement dans les veines de chanceux…veinards.
À l’étage, les chambres racontent d’autres voyages. Sous les tableaux de maîtres, les nuits et jours se conjuguent avec les ambiances orientales, chinoises et marocaines. Ils s’illuminent dans des draps soyeux, dans des baignoires en cuivre ou dans des fauteuils moelleux. Ils invitent au farniente en regardant au loin la rosée du matin dans des jardins bucoliques et encore embrumés.
Dans ce refuge champêtre, Chantel Dartnall compose ses notes culinaires, loin du tumulte, une belle saga. Elle écrit l’histoire d’une vie à la manière d’un roman de Maupassant où l’éclat discret résonne dans la flamboyance d’un quotidien réinventé. Château des Tesnières, Restaurant Mozaïc, Torcé, à 30 minutes de Rennes. Ouvert du mercredi au dimanche midi.
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