LE DÉSESPOIR DES COMMERÇANTS INDÉPENDANTS
“Les médias parlent beaucoup des restaurants mais assez peu des détaillants qui sont souvent seuls et dans une situation de stress énorme”, explique le Castelgironnais Gilles René, directeur commercial dans le monde de la chaussure. A Rennes, Marine est désespérée. “Que fait-on des petits commerçants ?”, s’interroge-t-elle. Fermée depuis la mi-mars, la jeune commerçante dans le prêt-à-porter craint une liquidation. “On a vécu des manifestations et aujourd’hui on vit cette pandémie. Notre situation est alarmante. Il nous faut payer nos stocks, nos charges et nos emplois. Comment va-t-on faire ?”
Dans toute la Bretagne, c’est la même complainte. Installée avec son mari depuis 28 ans, Catherine Landrein est commerçante indépendante en plein centre-ville, à Rosporden (sud du Finistère) où elle vend des chaussures pour hommes et femmes. “Notre clientèle est fidèle et notre activité bonne en temps normal”, explique-t-elle. Mais depuis la mi-mars dernier, c’est le cataclysme ! “Nous avons mis la boutique en pause !”
Hier matin, Catherine est retournée dans son commerce. “Cela m’a fait tout drôle. C’est terrible. On a l’impression que tout est à l’abandon !” Dynamique, elle tente désormais de vendre sa marchandise via internet. “Mais pour tout vous dire, ce n’est pas viable.” À défaut d’une trésorerie très importante, elle est aujourd’hui en grande difficulté. “Le remboursement de notre stock nous inquiète ! Nous n’arriverons pas à payer la marchandise livrée en février pour la saison printemps 2020 en vendant quelques chaussures”, confie-telle. En colère, elle demande à l’État d’annuler tout simplement les charges de mars, avril et mai. “Le report ne sert à rien !”
La peur des suicides !
Heureusement, la commerçante a réussi à repousser certaines échéances de paiement du stock. “Mais notre fournisseur ne peut pas nous faire de cadeaux. Il a aussi besoin de vivre ! Les jours prochains, nous devons avancer l’argent pour payer la prochaine collection ! On n’en dort pas la nuit…” Pourtant battante et sportive, elle vit des moments très difficiles. “Il y a des jours où c’est vraiment dur. Pour le mois de juillet, je dois trouver 80 000 € pour payer les charges et le stock. C’est très compliqué et encore, j’ai la chance d’être propriétaire de mes locaux. On est vraiment soucieux. J’ai vraiment peur qu’il y ait des suicides…. dans nos professions.”
“Tout s’est arrêté”
Commerçante à Dinard-Pleurtuit (galerie d’Intermarché), Maryline Denoual (notre photo) vend elle aussi des chaussures dans son magasin Sneakers Specialist. Ouverte depuis juin 2019, elle devait commencer sa première saison « printemps été » avec une nouvelle collection. “Tout s’est arrêté début mars avant le confinement ! La clientèle a été de plus en plus rare lors des premiers quinze jours du mois… “
Depuis, elle attend patiemment une réouverture. “On ne sait pas où l’on va ! ” Heureusement, elle a obtenu l’aide de 1500 euros réservée aux indépendants et décroché un prêt garanti par l’État. “Le premier mois a été difficile à gérer avec beaucoup de craintes, des documents à remplir, d’échéances à reporter et de demandes de suspension de loyers.”
Mais, la jeune commerçante ne veut pas rester les bras ballants. “Je photographie mes chaussures de façon à occuper l’espace sur les réseaux sociaux et à montrer mes modèles pour donner envie à mes clients. Je veux rester positive. J’espère seulement que la saison va bien se passer pour refaire de la trésorerie. Mais malheureusement, personne ne connaît l’avenir !” A la réouverture, le 11 mai 2020, beaucoup de commerçants se veulent toutefois confiants. “On fera tout ce qu’il faut pour vous accueillir dans le respect des préconisations sanitaires. Comptez sur nous !”, explique la Rennaise, Karine (Saint-James). Pour aller plus loin.
La polémique : “Je n’ai pas le remboursement du chômage partiel de mon salarié du mois de mars et nous sommes aujourd’hui au 28 avril !”, confie Catherine Landrein.
La phrase du jour : “Les 1500 € de l’Etat, c’est mieux que rien mais je peux vous dire que pour nous cette situation une vraie catastrophe économique”, confie la commerçante de Rosporden.
Le cri du cœur : “Après les vitrines cassées, les échafaudages à Noël, les gilets jaunes qui n’en finissent jamais, les manifestations à répétition, les travaux en ville, les parcs relais saturés, le deuxième métro qui n’arrive jamais, il faut être solide pour se lancer et garder le moral”, expliquait Karine (Saint-James) le 15 mars dernier.
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