Bâtiment 78 à Rennes : promoteur d’industrie décarbonée ou pari risqué des collectivités ?
Avec l’inauguration du Bâtiment 78 au cœur du pôle d’excellence de La Janais en présence de la presse triée sur le volet, Rennes Métropole affirme sa volonté de réinventer l’industrie en Bretagne. En réhabilitant un ancien site de 25 000 m², la métropole entend créer une pépinière « augmentée », fondée sur la décarbonation et les nouvelles technologies. Ouvert, ce lieu accueille déjà des acteurs clés comme Sweetch Energy, spécialiste de l’électricité verte, Excelcar, leader dans l’innovation et ID4Mobility (pôle de compétitivité dédié aux mobilités terrestres). Il abrite également Keysight, expert de la simulation numérique appliquée aux matériaux ou encore Packgy avec ses machines thermodynamiques à piston liquide.
Ce site propose des ateliers modulables, des bureaux évolutifs, des services mutualisés RH ou logistiques, ainsi qu’un accès à des plateformes technologiques. Tout est pensé pour offrir un cadre souple aux exigences des entreprises innovantes, qu’elles soient en phase de démarrage ou prêtes à s’industrialiser. Inscrit dans une stratégie territoriale plus large, le projet vise à « réactiver » l’ancien site Stellantis de La Janais. L’enjeu est clair : positionner Rennes comme un centre de « gravitation » pour l’industrie décarbonée. L’implantation voisine de Safran, la gouvernance assurée par un consortium mené par la CCI Ille-et-Vilaine, et le soutien de la région et de l’État devraient créer une base solide. Mais cela ne garantit pas le succès.
Car derrière cette ambition, un risque demeure. Les collectivités locales, souvent mal armées pour appréhender les cycles longs de l’industrie, ses incertitudes, ses besoins peuvent être déconnectées des attentes du terrain. L’exemple de la technopôle de l’Arbois, qui a pâti d’une offre mal calibrée et d’un déficit d’attractivité, ou celui de la CITE de l’innovation à Aix-Marseille, freiné par une gouvernance trop rigide, rappellent que les discours et les subventions ne suffisent pas toujours.
La force du 78 serait son ancrage et sa connexion à un tissu industriel en mutation. Il est pensé comme un lieu vivant, où formation, recherche et production peuvent cohabiter sur du long terme. « Mais pour que cela fonctionne, il faudra plus que des murs et des animations ! », convient un dirigeant. « Il faudra une écoute fine des sociétés, une capacité à anticiper les périodes creuses, et surtout un état d’esprit entrepreneurial. »
Ailleurs, certains sites ont su trouver cet équilibre. EuraTechnologies à Lille a réussi à transformer une friche en écosystème dynamique grâce à une gouvernance ouverte et une stratégie claire. Hélioparc à Pau, dans un registre plus scientifique, a créé un pont entre recherche et industrie. Mais ces succès reposent toujours sur une condition : connaître le terrain, savoir le lire et s’y adapter. C’est sur ce point que le Bâtiment 78 sera jugé dans les années à venir.
Le risque sera de surestimer la capacité des collectivités à jouer un rôle qu’elles ne maîtrisent pas toujours. Gérer une pépinière industrielle ne s’improvise pas. Il ne suffit pas d’accueillir des start-ups prometteuses ou de proposer des ateliers high-tech. Encore faut-il anticiper les pannes, les doutes sur la rentabilité, les départs inopinés, les cycles de test sans suite. Car dans l’industrie, l’échec fait partie du processus et a souvent besoin de grands groupes pour en supporter le coût…
Le 78 peut réussir, s’il s’inscrit dans une logique d’entrepreneur. C’est cette culture, plus que l’infrastructure, qui déterminera son avenir. Afin de répondre à la demande de jeunes sociétés en recherche de solutions immobilières et proposer un ouvrage de qualité, la réhabilitation et l’aménagement, du Bâtiment 78 vont être poursuivis. Une première tranche de 14 000 m² a été livrée en avril 2025. La seconde, portant sur 11 000 m² supplémentaires, est attendue pour juillet 2026. Le coût d’acquisition du site par Rennes Métropole s’élève à 6 125 400 euros HT. Les travaux de la première phase représentent un investissement de 14 953 282 euros TTC, co-financés à hauteur de 2,5 millions d’euros par l’État et de 300 000 euros par la Région Bretagne. La seconde étape, estimée à 4 454 256 euros TTC, bénéficiera d’un soutien régional de 1,7 million d’euros.
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