AÉROPORT DE SAINT-JACQUES : ENTRE DYNAMISME AFFICHÉ ET FRÉQUENTATION EN BAISSE
Depuis la crise du Covid-19, le transport aérien en France a connu une profonde mutation. Air France s’est désengagée des aéroports régionaux. Elle laisse désormais place aux low cost, qui représentent désormais 60 % du trafic à Rennes, contre 24 % en 2019. « Nous avons assisté à un changement de paradigme », analyse Yannick Boullier, directeur général de Rennes–Saint-Jacques (notre photo). «Ce n’est pas sans effet ! Les compagnies low cost font évoluer beaucoup plus rapidement leurs réseaux. Elles tiennent compte de la rentabilité de leurs lignes et ne sont pas soumises aux mêmes obligations de maillage territorial qu’Air France. »
La hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion n’est pas non plus sans conséquence pour les régions. « Une fiscalité plus lourde va inévitablement entraver la compétitivité de nos aéroports, et encore plus celle de Rennes », alerte le directeur. Malgré ces défis, l’aéroport de Rennes tient à afficher des résultats encourageants. « Nous avons transporté 512 000 passagers en 2024, avec un taux de remplissage de 82 % contre 73 % en 2019. C’est un chiffre très élevé qui montre que nos lignes fonctionnent et répondent aux besoins des Bretons », souligne Yannick Boullier.
En 2024, l’année a été marquée par plusieurs évolutions majeures : l’ouverture d’une desserte vers Montpellier (2 vols par semaine), le renforcement des fréquences vers Londres-Gatwick et le retour de la liaison avec Marrakech. « Ce qui me donne confiance en l’avenir, c’est que chaque ligne lancée tourne bien. Cela prouve que notre stratégie est la bonne. La fin d’année a été prometteuse et nous laisse de belles perspectives en 2025. »
Ce dynamisme reste toutefois à relativiser par rapport aux résultats des années précédentes. De 640 000 passagers en 2022 à 594 000 en 2023, puis 512 000 en 2024, l’aéroport enregistre un net recul qui s’explique notamment par la suppression de la liaison vers le hub de Francfort. « C’est une décision de la compagnie Lufthansa dans le cadre d’une réorganisation de son réseau international », commente Yannick Boullier. « Nous bénéficions toutefois d’une alternative compétitive, notamment sur le vol vers Amsterdam. »
L’INCERTITUDE LIÉE AU RENOUVELLEMENT DE LA CONCESSION ET LE NIVEAU ÉLEVÉ DES TAXES AÉROPORTUAIRES POURRAIENT PESER SUR LA REPRISE DU TRAFIC.
En 2025, Saint-Jacques affiche des ambitions. Il renforcera ses destinations : Londres (jusqu’à cinq vols par semaine), Manchester (deux vols à compter de juin par semaine), Dublin et Toulouse ((jusqu’à 3 vols par jour). « Notre aéroport propose 11 directs via une diversité de compagnies aériennes. Il permet de répondre aux besoins des voyageurs et garantit une forte connectivité internationale. Ces nombreux arguments nous rendent confiants pour cette nouvelle année. »
À l’appui de cet enthousiasme, le directeur met en avant les hubs d’Amsterdam et Paris-CDG, qui facilitent l’accès aux vols long-courriers. « Ces hubs sont un véritable atout : un passager qui part de Rennes peut déposer ses bagages ici, ne pas s’en préoccuper pendant sa correspondance et les récupérer à l’autre bout du monde », explique Yannick Boullier. « Nos connexions permettent de se rendre à New York avec seulement 1 h 50 d’attente à Paris, ou encore à Bali avec une courte escale à Amsterdam. »
Moins visible, mais tout aussi essentiel, le fret constitue un pilier stratégique. Avec plus de 10 000 tonnes transportées en 2024, Rennes se positionne au niveau d’aéroports comme Bordeaux ou Nice. « Le fret est une activité indispensable pour notre territoire », insiste Yannick Boullier. « Nous avons des vols réguliers opérés par UPS et Chronopost, mais aussi des charters pour l’industrie pharmaceutique et automobile. » Le chargement en camion permet quant à lui aux entreprises locales, même aux artisans, d’expédier des colis partout dans le monde via une liaison quotidienne avec Charles de Gaulle. « Certaines sociétés se sont installées près de notre plateforme grâce à cette offre logistique performante », note-t-il.
Rennes-Saint-Jacques s’inscrit aussi dans une trajectoire durable. « En tant qu’acteurs de la mobilité, nous avons un rôle clé à jouer en matière de décarbonation », affirme le directeur. Certifié ISO 14001 depuis 2013, l’aéroport a réduit ses émissions carbone de 50 % depuis 2016 et vise la neutralité d’ici 2030. « Nous allons aussi inaugurer une station de recharge ultrarapide au printemps, et d’ici fin 2025, 75 % de nos engins de piste seront électriques. »
Dans cette dynamique, l’aéroport continue de se rapprocher de son public. « Nous avons organisé le premier Salon des Voyages en janvier, qui a réuni plus de 2 000 visiteurs. Cela nous a permis d’échanger directement avec les visiteurs et de leur montrer l’étendue des destinations accessibles depuis Rennes », se réjouit Yannick Boullier. « Nous sommes dans une dynamique positive. Nos partenaires nous font confiance, nos lignes se développent et nos infrastructures évoluent », conclut le directeur.
La plateforme régionale veut s’affirmer comme un maillon essentiel du transport aérien en Bretagne. Mais derrière les beaux discours, les chiffres restent alarmants dans un contexte concurrentiel européen difficile. « Saint-Jacques connaît des heures délicates à cause des taxes aéroportuaires et du manque de soutien de la métropole », répond un proche du dossier. Pour l’heure, l’exploitation des pistes est assurée conjointement par la CCI et Vinci airports, d’ici le prochain renouvellement de la concession.
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