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LE CONTENU D’UN CHÂTEAU AUX ENCHÈRES

Breton d’origine, Édouard Nignon est l’un des plus grands chefs cuisiniers de la fin du XIXe siècle. Il a été au service du tsar Nicolas II, de l’Élysée et d’établissements prestigieux, avant de se retirer dans le château de la Haute-Forêt, à Bréal-sous-Monfort, édifié par Jacques Mellet de 1857 à 1866.

Michele Amodio (fondeur actif de 1850 à 1890), jeune lutteur bronze. (enfoncement au niveau du bras droit), socle en deux parties. Signé sur le socle – XIXe siècle. Haut. 120 cm. 3000€/5000€
Albert Carrier Belleuse (1824-1887), bacchante et putto Important groupe en marbre blanc, signé sur la terrasse.Fin du XIXe siècle. Haut. 78 cm. 5000€/7000€

Le 18 septembre prochain, Rennes enchères vend le contenu de la bâtisse, à la demande de Maître Pinson et de la famille propriétaire. Elle proposera sous le marteau une décoration somptueuse (marbres, importants groupes en bronze, nombreux lustres accompagnés d’appliques, vases et objets à monture de bronze signés) répertoriée par Carole Jézéquel et ses équipes. 

Édouard Nignon était le Bocuse du XIXe siècle. « On lui doit le homard à l’armoricaine, la première boulangerie de Russie, de fastueux banquets à l’Élysée et au Kremlin », explique Carole Jézéquel, commissaire-priseuse. Né à Nantes, Édouard Nignon commence son apprentissage dès l’âge de 9 ans dans l’un des établissements les plus renommés de la ville. « A 15 ans, il monte à Paris où il est embauché dans la prestigieuse maison Potel et Chabot. Il découvre alors les importantes réceptions, et sert déjà les grands de ce monde. » 

À 26 ans, le jeune homme est nommé à la tête d’un restaurant parisien. Mais avant l’heure, il fut surtout un représentant de la gastronomie française dans des pays étrangers. « En 1892, il émigre à Vienne pour prendre le poste de chef dans un établissement huppé de la capitale autrichienne où il sert une clientèle huppée, jusqu’à François Joseph et sa cour. Après un bref retour à Paris, où il est désormais adoubé par ses pairs, Nignon s’exporte à nouveau, cette fois-ci, à Londres où il fait l’ouverture du Claridge, « le plus bel hôtel du monde ».

Au tournant du XXe siècle, Nignon prend la direction de L’Ermitage à Moscou, fréquenté par Nicolas II, amateur de grande cuisine française. Il réalise notamment le banquet servi le 14 mai 1896 à l’occasion du couronnement du tsar Nicolas II (deux exemplaires du menu seront présentés lors de la vente du 18 septembre à Rennes Enchères).

AMBASSADEUR DE L’ART DE VIVRE À LA FRANÇAISE, IL FONDE LA PREMIÈRE BOULANGERIE-PÂTISSERIE DE RUSSIE.

En 1909, de retour à Paris, Nignon ouvre « Larue », son premier restaurant. « La maison devient un incontournable de la capitale, fréquentée par le Tout-Paris : artistes, politiques, intellectuels et aristocrates. Guillaume Apollinaire et Aristide Brillant sont des clients fidèles et amis. » Pendant la Première Guerre mondiale, il assure à l’Élysée les réceptions entre chefs d’État et ministres européens. « Sa cuisine est particulièrement appréciée du président des États-Unis, Thomas Woodrow Wilson, qui demande à être servi exclusivement par Nignon lors de ses venues en France. » Après la guerre, marqué par la disparition de son fils au combat, il fonde un orphelinat pour accueillir les enfants de cuisiniers tombés au front. 

À la fin de sa carrière, ce vrai fils d’Armor se consacre à l’écriture d’ouvrages culinaires. Son œuvre L’Heptaméron des Gourmets, contenant un avant-propos d’Apollinaire, ou encore ses Éloges de la cuisine française préfacé par Sacha Guitry, connaissent un succès important et restent aujourd’hui des références en la matière. « Il y présente une « popote » profondément moderne avec des saveurs inédites et des clins d’œil à sa Bretagne natale, comme les huîtres au camembert ou le homard à l’armoricaine, recettes ayant contribué à sa renommée internationale. »

Venant d’une famille originaire du pays bigouden, Édouard Nignon a toujours montré son attachement à la Bretagne, en s’installant dans le château de la Haute-Forêt. « Retiré dans un coin de terre enchantée dont j’ai fait mon paradis, où d’épaisses verdures parsemées de fleurs s’étendent à perte de vue […], je connais là l’idéal repos . » Exposition publique : vendredi 15 septembre 2023 de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h, samedi 16 septembre 2023, 10 h à 13 h. Expert : Bertrand Berthelot. Email berthelot.bertrand@neuf.fr. La vente aura lieu le 18 septembre 2023.

Info + : Jacques Mellet a construit de nombreuses églises dans le diocèse de Rennes dans un style néo-gothique dont la chapelle des Missionnaires, édifiée à compter de 1841, sera le premier manifeste dans la capitale bretonne. « Outre quelques hôtels particuliers, sa production compte nombre de châteaux bâtis pour une aristocratie monarchiste, au pouvoir foncier encore notoire et très proche des instances catholiques », explique le site Wikipédia. À Rennes, il est l’auteur de la tour clocher de Notre-Dame. Il est inhumé au cimetière Nord de Rennes. 

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