Le café du matin boit-il la tasse ?
Au Cortina, derrière le centre Colombia, ils sont encore quelques-uns à prendre leur café du matin, dès 8 heures. « On a perdu un client », ironise l’un des habitués. « Mais il était plutôt au vin blanc ! » Tous les jours, ils sont une dizaine à se retrouver. Une architecte. Un journaliste. Un éducateur. Un chef d’entreprise. Un livreur. Une kiné et des anonymes. « Ils se connaissent tous », explique le reporter. « Ils parlent de leurs petits malheurs, de leur boulot, du Stade rennais, des potins et parfois de sujets plus sérieux. Avant le taf, c’est une sorte de soupape. Mais j’ai l’impression que cela se perd… »
Qu’en est-il vraiment ? Le café du matin semble être une tradition en perdition, pour beaucoup d’habitués des estaminets rennais. « Dans le centre-ville, il y a bien le Saint-Charles, la Bonne-Nouvelle, le Picca, la Paix, la Parisienne et bien d’autres. On est loin toutefois des pratiques ancestrales. Les débits de boissons se transforment en restaurants », constate un Rennais. Encore ouvert très tôt, David (La Paix) est l’un des derniers irréductibles. « Du lundi au vendredi, sauf les jours fériés, notre café du matin, c’est malin », explique-t-il. « De 7 h à 9 h, je propose l’expresso ou encore l’allongé à un coût défiant toute concurrence : 1,50 €. Nous avons, depuis plusieurs années, adopté ce choix pour motiver les clients à commencer leur journée. Malgré l’augmentation du prix du café, nous avons même réussi à maintenir nos tarifs. On y retrouve les parents qui viennent de déposer leurs enfants à l’école, les petits-déjeuners d’affaires, sans oublier les brunchs dès 8 h 30 jusqu’à 11 h 30, et toutes les personnes qui ouvrent leurs commerces. »
SI LE CAFÉ DU MATIN SE PRENAIT SOUVENT AU COMPTOIR, IL EST DÉSORMAIS BU CHEZ SOI, DANS UN MUG, PARFOIS MÊME DANS UN GOBELET DE VOYAGE.
Mais chez certains, le créneau est désormais aux oubliettes. « À part quelques irréductibles commerçants, en ce qui me concerne dans mes établissements, c’est terminé ! », explique un grand propriétaire de débits de boissons. « Je pense qu’il n’y a plus que dans les PMU où ça marche encore. » Comme lui, ses confrères optent dorénavant pour l’apéro. « Je préfère me détendre le soir. Le matin, je n’ai pas le temps », confirme un jeune trentenaire. « Le télétravail y est sans doute pour quelque chose », admet un Rennais. « Mais c’est triste, on est en train de devenir comme les Anglo-Saxons, les New-Yorkais qui arpentent les trottoirs avec leur petit jus, la tête dans les épaules ! »
Pour beaucoup, il reste toutefois l’une des dernières petites cérémonies du quotidien. « À l’heure des smartphones, ce moment est primordial, explique un chef d’entreprise. « Au comptoir, j’obtiens parfois des conseils, des informations auprès d’autres consommateurs. C’est très utile pour mes affaires. Sans compter que je peux lire mon journal (Rennes Infos Autrement, on l’espère !). »
À Paris, à l’heure du petit-déjeuner, une nouvelle tendance pourrait renouveler le genre : le babyccino, un lait mousseux tiède saupoudré de cacao. Une boisson sans caféine, mais avec tout l’attirail du vrai cappuccino — pour faire « comme papa et maman ». Né en Australie au début des années 2000, popularisé dans les cafés anglo-saxons, le babyccino fait désormais son chemin en France. À 2 ou 2,50 €, il s’installe doucement dans les cartes des établissements parisiens fréquentés par les familles CSP+, et commence même à séduire l’industrie agroalimentaire. Les influenceurs s’en emparent, les photos affluent sur Instagram. Un nouveau rituel pour renouveler le petit noir, nul ne le sait !
Les commentaires sont fermés.